Les progrès réalisés en chirurgie orthopédique ont permis d’obtenir d’excellents résultats après implantation d’une prothèse totale de hanche ou d’une prothèse totale de genou, faisant de ces interventions deux des chirurgies les plus pratiquées dans le monde. Les patients opérés sont de plus en plus jeunes et de plus en plus actifs. La conséquence est une augmentation constante de la chirurgie de reprise dont les principales causes sont : l’usure progressive des implants, l’infection, et les fractures, qui correspondent à près de la moitié des cas de reprise. Ces fractures qui surviennent autour d’implants orthopédiques sont appelées fractures périprothétiques. Elles surviennent la plupart du temps après un traumatisme mineur tel qu’une chute de sa hauteur, chez une population âgée qui présente volontiers des comorbidités. Elles entrainent une impotence fonctionnelle totale avec impossibilité de reprise de la marche.

Le diagnostic est posé sur les radiographies standards. Un scanner peut être nécessaire afin de compléter le bilan lésionnel et pour pouvoir mieux planifier l’intervention. Selon le type de fracture, le stock osseux résiduel, l’ancienneté des implants et les antécédents du patient, différents traitements peuvent être proposés. Il est possible de réparer l’os autour de la prothèse, par du matériel d’ostéosynthèse, si celle-ci est toujours bien intégrée. Si ce n’est pas le cas, le chirurgien peut être amené à devoir changer la prothèse par des implants de reprise, et à devoir reconstruire l’os en cas de pertes de substances osseuses.

La chirurgie de reprise est beaucoup plus lourde et beaucoup plus complexe que la chirurgie de première intention. En effet, elle intervention sur une articulation qui a déjà été opérée, avec du tissu cicatriciel, un stock osseux diminué par la première opération et une qualité osseuse parfois médiocre. Le taux de complication est donc évidemment plus élevé et nécessite une prise en charge multidisciplinaire et un geste chirurgical par une équipe expérimentée. Les complications peuvent être en lien avec l’opération (hématome, infection, lésion nerveuse) mais sont surtout en rapport l’alitement prolongé (infection urinaire, constipation, désadaptation cardiovasculaire, etc). L’objectif est donc de réaliser un montage solide, permettant la reverticalisation et une remise en charge la plus précoce possible du patient afin d’éviter une perte d’autonomie du malade.

A l’Hôpital André Mignot, en lien avec le vieillissement de la population, le nombre de fractures périprothétiques a presque quintuplé en l’espace de quelques années. De 2010 à 2016, il y avait en moyenne une dizaine de patients opérés pour une fracture périprothétique chaque année. Depuis 2017, ce chiffre est passé entre 40 et 50 par an soit presque un patient par semaine. Notre service de chirurgie orthopédique a obtenu le label UPOOG (unité périopératoire d’orthopédie gériatrique) par l’ARS. En collaboration avec notre médecin gériatre, les patients sont pris en charge de façon pluridisciplinaire afin d’optimiser leur condition médicale avant, pendant et après la chirurgie.

Chaque dossier est discuté de façon collégiale en staff d’orthopédie, l’intervention est planifiée par le chirurgien, le matériel et le personnel nécessaires sont mis à disposition et une plage opératoire est dédiée au patient pour une prise en charge optimale. Une équipe de chirurgiens entraînés à ce type d’intervention, disposent d’un plateau technique et de matériaux modernes pour traiter ces fractures périprothétiques. En post opératoire, le patient est réévalué sur le plan médical. La mise au fauteuil et la reprise d’appui se font le plus précocement possible. La rééducation peut se faire en centre de convalescence ou chez un kiné de ville. Une consultation de contrôle est prévue à distance avec le chirurgien pour s’assurer de la bonne consolidation de la fracture.

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Radiographie d’une fracture péri-prothétique du fémur gauche chez une patiente de 91 ans avec une hanche multi opérée

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Radiographies post-opératoires après ablation du matériel, reconstruction osseuse du bassin par allogreffe, armature métallique, prothèse de reprise et cerclage métallique de la fracture

Du point de vue gériatrique

Certes les interventions programmées de patients jeunes peuvent conduire à des fractures péri prothétiques qui n’étaient pas prévisible au moment de l’intervention, mais le rôle du gériatre est d’anticiper ce risque pour la pose de prothèse de patients âgés souhaitant se faire opérer.

Au CHV une consultation pré opératoire gériatrique est proposée aux patients âgés présentant des comorbidités. Pendant cette consultation les différents risques liés à la chirurgie sont évoqués : bilan nutritionnel, tests cognitifs, évaluation du risque de chute…

En effet, malgré l’indication opératoire de la pose de prothèse sur une arthrose évoluée, si en post chirurgie, le risque de chute est majeur, le risque de fracture périprothétique est alors grand.

Les fractures périprothétiques chez la personne âgée peuvent entrainer des complications telles que la confusion, les risques liés à l’immobilisation (escarre, pneumopathie d’inhalation , perte de la marche…), l’infection…

Nous souhaitons donc anticiper ces risques de refractures, soit en faisant une réeducation importante en pré opératoire au domicile avec un kinésithérapeute ou en hôpital de jour à Richaud en préhabilitation pendant 6 semaines à raison de 2 jours par semaine ou rediscuter le bénéfice/risque de cette intervention.